LIGNE A GRANDE VITESSE LYON-TURIN: RECONNAISSANCES PAR DIAGRAPHIES
ET GEOPHYSIQUE DE FORAGE

P. LACOMBE

Département des Ouvrages d'Art - SNCF : 122, boulevard des Poissonniers, F-75017 PARIS

P. RENOUX , E. GILLOT

Compagnie Générale de Géophysique : 1, rue Léon Migaux F-91341 MASSY Cedex

1 - PRESENTATION DU PROJET

A l'horizon 2010, la Ligne à Grande Vitesse (LGV) doit permettre de relier Lyon à Turin en moins de 2 heures contre 4 heures actuellement.

Le projet de tunnel de base de Modane permettra de relier St. Jean de Maurienne à Susa (Italie). La ligne franchira ainsi la chaîne alpine en tunnel de la zone ultra-dauphinoise à la zone piémontaise, à proximité du tunnel ferroviaire du Fréjus. La longueur du tunnel est de 54 km environ dont 41 situés en France. Il traverse des terrains à très fort relief avec une couverture atteignant 2000 m. Diverses variantes à ce tracé ont été étudiées entre 1990 et 1995.

Les régions traversées par ce projet et notamment la vallée de la Maurienne sont des environnements très sensibles. L'habitat est dispersé et la vallée, très étroite en certains points, est déjà occupée par l'Arc, la RN 6, la voie ferrée et bientôt l'autoroute A43. L'adoption d'un tracé souterrain en haute vallée de Maurienne élimine toute nuisance en surface. Sa réalisation n'aura donc à terme que des conséquences visuelles très limitées sur le patrimoine esthétique, culturel et historique de la Haute vallée.

2 - CONTRAINTES LIEES AU TRACE

2.1 - La Ligne à Grande Vitesse et la route roulante : contraintes ferroviaires

Le point de départ et d'arrivée du tunnel étant fixés, le tracé est soumis aux contraintes de pente d'un maximum de 8‰ pour un trafic frêt performant, de rayon de courbure minimum de 4000 m compatible avec la grande vitesse et à l'installation d'une gare souterraine de secours à mi-trajet. La circulation des rames voyageurs est prévue à 220 km/h et celle des rames frêt à 120 km/h. Des attaques intermédiaires sont prévues. Elles doivent pouvoir se faire à partir de la vallée à une distance minimale de l'ouvrage tout en tenant compte des contraintes géologiques, de chantier, d'environnement et de logistique.

2.2 - La traversée des Alpes : contraintes géologiques

La tête du tunnel est située dans le cône de déjection de St Julien-Mont-Denis (étudié par sismique réfraction et forage en 1990) et des éboulis. Le tracé s'infléchit rapidement vers l'intérieur du massif en rive droite de l'Arc pour s'affranchir de ces terrains de surface instables. Le creusement débute alors dans la zone dauphinoise composée de flysch, calcschistes et calcaires (Crétacé, Eocène) puis la zone sub-briançonnaise jusqu'à St. Martin-de-la-Porte (gypse, anhydrite, dolomies, calcaire, schistes et marno-calcaire du Trias et Jurassique). La zone houillère est concernée ensuite sur 20 km jusqu'à l'Ouest de Modane (grès, schistes, charbon et gneiss du Sapey). La zone briançonnaise tectoniquement très complexe est traversée entre Modane (le Sapey) et le Vallon d'Etache avec la série triasique (dolomie, anhydrite, quartzite), les formations cristallines du socle (micaschistes, gneiss) et la nappe des Schistes Lustrés piémontais en recouvrement. Le tracé se termine à l'Est dans les gneiss du massif d'Ambin puis de nouveau les Schistes Lustrés (calcschistes) piémontais en arrivant à Susa.

3 - LES GRANDES ETAPES DE LA RECONNAISSANCE : Choix de la prospection géophysique.

La cartographie géologique de détail réalisée au 1/100000 par l'Université de Savoie et l'Université J. Fourier de Grenoble, les missions hydrogéologiques et les études structurales (missions SPOTERT et photographies aériennes) ont montré la complexité croissante des structures géologiques. En de nombreux points, la connaissance des structures géologiques de surface ne renseigne pas sur la géologie à la cote du projet en raison de la complexité des structures.

Dès la première année d'étude, la SNCF s'est orientée vers une prospection géophysique. Les premiers contacts pris entre la SNCF et la Compagnie Générale de Géophysique en 1989 ont conduit à retenir la technique de prospection par sismique réflexion "haute résolution" associée aux études de puits (diagraphie et géophysique) comme étant la mieux adaptées pour répondre aux problèmes posés.

4 - ETUDE DE CAS

4.1 - Nappe des Schistes Lustrés (calcschistes)

Le forage F6bis "La Norma" arrêté à 800 mètres dans une première campagne (1991) qui n'avait rencontré que des Schistes Lustrés a fait l'objet de l'enregistrement d'un profil sismique vertical (P.S.V.) indiquant la présence d'un fort contraste de réflectivité immédiatement sous le puits pouvant être associé aux anhydrites de la semelle de glissement des Schistes Lustrés (V=6000 m/s, r=2,98 g/cm3). Ceci a été vérifié par la reprise du forage en 1992 qui a rencontré celles-ci à 803 mètres de profondeur et qui l'a traversée sur 300 mètres. L'épaisseur de celle-ci a pu être chiffrée par le P.S.V. indiquant une puissance de 350 m. La forte réflectivité de l'anhydrite vis à vis des calcschistes a permis de visualiser la géométrie de la nappe au niveau du forage F7 "Longecôte" par association des diagraphies et de la géophysique de puits et de surface (sismique H.R): la semelle de glissement parfaitement reconnue au niveau du puits et estimée à 600 m (P.S.V.) présente une géométrie plane dans l'axe du profil.

4.2 - Zone complexe du Sapey

Les gneiss du Sapey affleurent dans la région de Modane. Leur caractère allochtone a pu être vérifié par forage. Le puits F14 "Le Sapey" de 900 mètres a rencontré les gneiss sur 300 mètres reposant sur 500 mètres de micaschistes et de quartzites. Un niveau anhydritique a été rencontré à la base du forage. Un diagramme croisé sonique-gamma ray met clairement en évidence la séparation des unités lithologiques caractérisées par une relative homogénéité de vitesse et une grande dispersion de radioactivité naturelle. L'étude combinée des P.S.V. et P.S.O. associée à la sismique haute résolution de surface 3D a permis de définir une unité supplémentaire inférieure qui a pu être cartographiée et mettant en évidence un pendage Nord-Est-Sud-Ouest des unités.

5 - CONCLUSION

La synthèse des informations de forage : géologiques, diagraphiques et géophysiques associées aux résultats de la sismique de surface permet de mieux comprendre les caractéristiques pétrophysiques des différentes unités tectoniques ainsi que leur géométrie.

Massy, le 12 octobre 1995